Nous assistons à un tournant majeur dans l’histoire argentine avec la récente décision de Javier Milei. Le président argentin vient d’autoriser la publication complète des dossiers concernant les nazis qui ont trouvé refuge sur le sol argentin après la Seconde Guerre mondiale. Cette initiative sans précédent ouvre une nouvelle page dans la confrontation du pays avec son passé complexe.
La déclassification historique des archives nazies en Argentine
Avant cette décision présidentielle, l’accès aux documents relatifs aux criminels de guerre nazis était extrêmement restreint. Si une première tentative de déclassification avait été entreprise en 1992 sous Carlos Menem, elle restait très limitée. Seule une infime partie des dossiers pouvait être consultée, et uniquement sur rendez-vous dans une salle spécifique des Archives nationales.
Aujourd’hui, grâce à l’initiative de Javier Milei, près de 1850 documents sont désormais accessibles en ligne et consultables par tous. Ces archives comprennent des rapports de police, des coupures de presse d’époque, des notes confidentielles des services de renseignements et divers décrets présidentiels liés à l’arrivée et l’installation de criminels nazis en territoire argentin.
Cette ouverture représente un geste fort en faveur de la transparence historique et permet aux chercheurs comme aux citoyens ordinaires d’accéder à ces témoignages troublants d’une période sombre. Nous pouvons désormais consulter des preuves tangibles de la façon dont des criminels de guerre ont pu échapper à la justice internationale grâce à des réseaux d’exfiltration sophistiqués, connus sous le nom de “ratlines”.
La déclassification met également en lumière la complicité de certaines autorités argentines et d’institutions religieuses européennes qui ont facilité cette fuite massive vers l’Amérique du Sud. Ces documents révèlent l’ampleur d’un système bien organisé qui a permis à environ une centaine de nazis de reconstruire leur vie en toute impunité.
Figures tristement célèbres et leur vie en Argentine
Parmi les personnalités les plus notoires mentionnées dans ces archives figurent Josef Mengele, surnommé “l’Ange de la mort” pour ses expériences atroces à Auschwitz, Adolf Eichmann, l’un des architectes principaux de la “solution finale”, et le SS Erich Priebke. Ces criminels de guerre ont tous trouvé refuge en Argentine dans les années 1940 et 1950.
Le cas d’Adolf Eichmann reste particulièrement emblématique. Après avoir fui l’Allemagne, il a vécu pendant une décennie à Buenos Aires sous l’identité de Ricardo Klement. Son parcours s’est terminé en 1960 lorsqu’il a été capturé par le Mossad, puis jugé et exécuté en Israël. Cette opération spectaculaire a mis en lumière la présence de criminels nazis en Argentine.
Josef Mengele a connu un sort différent. Les archives révèlent qu’il a vécu librement en Amérique du Sud jusqu’à sa mort en 1979, sans jamais être inquiété par la justice. De nombreux documents montrent comment ces hommes ont pu s’intégrer dans la société argentine, particulièrement dans la région de Bariloche, connue pour abriter une importante communauté allemande.
Les dossiers déclassifiés permettent également de comprendre comment ces criminels ont pu maintenir leurs réseaux et parfois même prospérer financièrement dans leur nouvelle vie. Certains ont bénéficié de protections au plus haut niveau de l’État argentin, notamment sous la présidence de Juan Domingo Perón entre 1946 et 1955.
Les motivations stratégiques derrière la décision de Milei
Cette déclassification a été saluée par de nombreuses organisations internationales. Le centre Simon-Wiesenthal, organisation dédiée à la mémoire de l’Holocauste, s’est particulièrement réjoui de cette initiative. Son doyen associé, le rabbin Abraham Cooper, a publiquement loué “la rapidité et l’engagement inédits” du président argentin, soulignant que ses prédécesseurs avaient souvent promis sans jamais agir.
Nous observons que cette décision s’inscrit également dans une stratégie politique bien définie. Sur le plan intérieur, Javier Milei cherche à rompre avec l’héritage du péronisme, mouvement qu’il considère responsable des dérives autoritaires de l’Argentine moderne. En révélant le rôle de Juan Perón dans l’accueil de criminels nazis, il fragilise ses opposants politiques tout en se positionnant comme un défenseur des valeurs démocratiques.
À l’échelle internationale, cette initiative permet à Milei de consolider ses relations avec les États-Unis et Israël. Son rapprochement avec ces puissances s’inscrit dans une vision diplomatique alignée sur les valeurs occidentales. Le soutien de figures politiques américaines comme le sénateur Chuck Grassley renforce sa crédibilité sur la scène internationale, un atout considérable alors que l’Argentine négocie sa dette avec le FMI.
Bien que les criminels nazis soient aujourd’hui décédés, leurs réseaux financiers et leurs héritages matériels restent des sujets d’investigation majeurs. Des rapports récents du Sénat américain suggèrent que certains comptes bancaires liés à d’anciens nazis en Argentine auraient été actifs jusqu’en 2022, démontrant l’importance contemporaine de ces recherches historiques.
Pour Javier Milei, qui affiche ouvertement son soutien à Israël, cette démarche de transparence permet à l’Argentine de tourner une page sombre de son histoire tout en redorant l’image d’un pays longtemps associé à l’impunité accordée aux criminels de guerre nazis.


