Dans un contexte où le gouvernement argentin multiplie les réformes d’austérité, nous assistons à un nouveau bras de fer entre l’administration Milei et les fonctionnaires. La justice vient d’intervenir dans ce conflit en suspendant une décision gouvernementale controversée. Examinons ensemble les implications de cette situation qui illustre les tensions croissantes au sein de la société argentine.
Conflit juridique autour d’un jour férié symbolique en Argentine
La justice du travail argentine a pris une décision significative le 26 juin 2025 en suspendant provisoirement l’abrogation d’un jour férié destiné aux fonctionnaires. Cette mesure intervient après que le gouvernement ultralibéral de Javier Milei ait tenté d’annuler le congé du 27 juin, connu comme le “Jour du travailleur de l’État”. Nous observons ici un exemple frappant des frictions entre la nouvelle administration et les institutions judiciaires du pays.
C’est une juge du travail qui, saisie en référé par le syndicat de la fonction publique ATE, a décidé de bloquer l’application du décret publié le jour même au Journal officiel. Cette suspension restera en vigueur jusqu’à ce qu’un jugement sur le fond soit rendu. La magistrate a également confirmé la compétence de la justice du travail dans cette affaire, rejetant ainsi les arguments du gouvernement qui souhaitait voir cette question traitée différemment.
Le jour férié en question n’est pas anodin dans l’histoire sociale du pays. Instauré en 2013 sous le gouvernement péroniste de l’ex-présidente Cristina Kirchner, ce congé représente pour beaucoup un acquis social important. Pour les syndicats, sa suppression symbolise une attaque frontale contre les droits des travailleurs du secteur public, dans un contexte où les mesures clés du premier mandat de Milei visent systématiquement à réduire le périmètre de l’État.
Justifications économiques et idéologiques de la suppression
Le gouvernement argentin n’a pas caché ses motivations idéologiques derrière cette tentative d’abrogation. Manuel Adorni, porte-parole présidentiel, a qualifié ce jour férié de manifestation d’un “culte de l’étatisme et du secteur public” qui, selon lui, “appartient au passé”. Nous constatons dans cette rhétorique l’expression claire de la vision ultralibérale qui anime l’administration actuelle.
L’argument économique a également été mis en avant par les autorités. Federico Sturzenegger, ministre de la Dérégulation et de la Transformation de l’État, a estimé sur X que cette journée chômée coûtait environ 11 milliards de pesos (équivalent à 9 millions de dollars) aux finances publiques. Dans un pays qui cherche à rétablir ses équilibres budgétaires, chaque dépense est scrutée à la loupe.
Pour le gouvernement, il s’agit aussi d’une question d’équité entre secteurs public et privé. “L’État n’est pas un endroit où l’on doit pouvoir jouir d’un jour sabbatique ou de tout autre privilège que n’a pas le travailleur du privé”, a déclaré Adorni, reflétant la volonté de l’administration Milei de remettre en question certains avantages traditionnellement accordés aux fonctionnaires.
Impact sur les relations sociales et la politique d’austérité
Cette affaire s’inscrit dans un contexte social tendu en Argentine. Nous avons observé récemment plusieurs manifestations d’opposition aux politiques gouvernementales. Les fonctionnaires et les retraités ont protesté le 25 juin, tandis que les enseignants des universités publiques, actuellement en grève, ont manifesté le lendemain contre les réductions budgétaires affectant leurs salaires, la recherche et les bourses d’études.
La politique de rigueur menée par l’administration Milei a déjà entraîné des changements significatifs dans l’appareil d’État. Selon les données du ministère de la Dérégulation, environ 50 000 emplois publics ont été supprimés au cours des 18 premiers mois de la présidence Milei. Ces réductions drastiques s’inscrivent dans une stratégie globale visant à réduire le poids de l’État dans l’économie nationale.
Malgré les tensions sociales, le gouvernement se félicite d’avoir enregistré en 2024 le premier excédent budgétaire annuel du pays en 14 ans. Ce résultat, présenté comme une victoire par l’administration, est interprété différemment par les opposants qui y voient le fruit d’une austérité excessive et socialement injuste.
La décision judiciaire de suspendre l’annulation du jour férié pourrait bien marquer un tournant dans les relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire en Argentine. Nous suivrons avec attention l’évolution de cette situation qui illustre parfaitement les défis que doit relever un pays en quête d’équilibre entre assainissement économique et préservation des acquis sociaux.


